La première nuit
d'hôtel dans le Sud Lipez s'est passée dans un village où les
enfants courent partout dans les rues. Mais impossible de les
approcher facilement sans entendre le verbe « pragar »
(payer) ou les voir se jouer de moi. J'ai éclater de contentement à
les voir agiter la poussière à terre pour créer un nuage et
absolument éviter que je les photographie. Le système D, j'adore
ça. Et vu leurs éclats de rire, eux aussi !
Et puis, une prise
par surprise, à voir cinq d'entre eux débouler dans notre pièce de
repas, flute de pan à la bouche. Et cinq interprétations à la
suite. C'est hésitant, c'est faux mais tellement beau, alternance de
canards et phrases chantées. Il leur faut du courage à venir nous
voir et se mettre à jouer comme ça. Ils ont quel âge ? Neuf,
dix ans tout au plus. Ils nous dévoilent leur culture. Comment
certaines personnes ne peuvent pas être enthousiastes devant cela ?
Forcément, ils
réclament de l'argent à la fin et forcément, je n'ai pas de
monnaie. Mais moi aussi une surprise et ce bill-boquet que je
trimballe dans mon sac à dos va enfin se mettre en lumière. Je le
leur propose. De suite, ils adhèrent. Le jouet passe de mains en
mains. Alternance encore une fois ; mais de cris de suspens et
d'éclats de rires cette fois. Pas un ne réussit. Je parviens à
coincer la boule sur le mat au bout de quelques essais. C'est
l'éblouissement. La pression qu'ils s'étaient mis le long de leur
spectacle a disparu et ils ont retrouvé leur insouscience juvenile.
Du système D,
puisqu'ils en ont, je leur dessine le schéma du jouet et leur
explique dans mes bribes espagnoles comment faire pour le
refabriquer. Ils aquiescent et s'exhibent avec l'engin pour la photo
qu'ils me font prendre. Je comprends alors que j'ai largement payé.
Et d'autant plus quand ils reviennent cinq minutes plus tard pour que
je leur redessine le schéma en plusieurs exemplaires.
Et je me prends à
penser et imaginer...
Et si demain ils
arrivaient à recréer un bill-boquet « made in leur mains » ?
Et si cela
devenait un de leur jeu favori ?
Et s'ils se
mettaient même à en vendre ?
Et si des
touristes, ils en voyaient plein mais des comme moi, qu'un ?
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