samedi 26 mai 2012

Yavi, ça se prononce “Chabi”



Après une semaine passée sur les routes argentines, j'ai eu envie de décélérer un petit peu avant de faire le grand saut en Bolivie. Et hop, me voilà à Yavi. Ce village se trouve à 15km de La Quieca, ville frontière avec la Bolivie coté argentin.

C'est un village arborigène où vers la fin mai, mise à part une dizaine de locaux dans la journée, on ne croise personne. C'était exactement ce que je recherchais. Déjà, mon hospedaje était plein de charme fait de différents niveaux et avec de la terre au sol. La première chose que je me suis dit en arrivant dans ce hameau est que je serai bien ici. La seconde était que je pensais que tout le village passerait dans le viseur de mon appareil photo.

Un si petit endroit est pourtant plein de découvertes. Une ballade de 4 kilomètres aller, vers le village petit-frère Chico Yavi et on tombe sur la culture arborigène. Un détour par l'école encore une fois riche en nombre d'enfants et on obtient la clé du tout petit musée archéologique. Petit mais costaud car les pièces qui y sont exposées sont rares, bien conservées avec encore des traces de peintures d'époque. De belles poteries déterrées de maisons enfouies sur les bords de la rivière de 200 mètres éloignée. On est en -800 à -1000 avant JC.

Et l'explication de l'enfouissement de ces maisons est toute simple. Il suffit de lever la tête pour voir les trouées présentes dans la roche du canyon juxtaposé. Ce paysage, c'est celui qu'on obtient déjà depuis au moins deux bons kilomètres en arrivant au village. Alors dans l'ordre chronologique, c'est d'abord cette vue qui surprend car les lignes droites et géométriques de cet horizon tranchent avec les collines qu'on pense être les seules par ici.

C'est beau, on se perd le long de la rivière en se laissant bercer par son timbre. Biensûr, toujours un chien en location pour vous accompagner depuis le début de la ballade (à moins que ce ne soit lui qui vous loue).
On croise un berger qui, posé sur son arbre surveille les vaches qu'il garde pour son propriétaire. C'est un peu la petite maison dans la prairie. D'autant plus quand on croise du lège qui sèche sur les arbustes et sa propriétaire quelques mètres plus loin lavant la suite accompagnée de sa petite qui joue à la poupée.
Et au retour, on file de l'eau à un marmot au visage noirci par le soleil, on se fait doubler par deux courreurs survét' et pull. Et ils courrent sous ce soleil, sur cette piste tout sauf plate. Ils doivent avoir des physiques d'acier pour faire ça bienqu'ils soient habitués à vivre à 3500 mètres.

Puis, vient au tour de l'église de se faire voir. Une des plus anciennes du pays avec son autel entièrement décoré à la feuille d'or. Les monuments chrétiens en Amérique du Sud sont beaucoup plus riches je trouvent, qu'en France. Mais alors celle-ci, c'est le pompon ! Elle est toute petite et en jette drôlement. Simple à l'extérieur et si chère à l'intérieur. Une bonne claque en y entrant tellement c'est magnifique.

Paysages, culture historique, histoire du culte, je crois que tout y est. Combien d'habitants déjà ici ? 700 têtes. Ca fait un sacré PIB en valeur...

Je viens d'avoir ma plus belle vision d'Argentine même si le mode de vie ici est plutôt bolivien. Je suis prêt, demain, je traverserai le pont entre La Quieca et Villazon.

























Dédicace à mes danseuses



...A mes danseuses hein, pas mes valseuses qui elles se font plutôt discrètes... La blague vaseuse, ça c'est fait...

Je demande souvent au locaux comment est la route qui m'attend. Est ce qu'il va falloir que je me gave de barres de céréales et de bananes juste avant une suite interminable de lacets ? En vrai, j'ai souvent le droit, à des expressions de courage parce que ça monte beaucoup. Mais d'épingles à cheveux, il n'est point, même si les montées et descentes sont monnaie courante, en partant de 1200 mètres d'altitude à Salta et en arrivant quasiment trois fois plus haut trois jours plus tard.

Je ne suis pas un cycliste professionnel. Je trâine environ vingt-cinq kilos de bagages. Je n'ai pas fait de préparation avant d'effectuer mes premiers tours de roues. Mais avec tout ça, j'arrive à bien gérer des journées d'en moyenne 70 kilomètres avec certaines pointes à 100 kilomètres comprenant un sommet à près de 3800 mètres d'altitude (entre Huacamaca et Abra Pampa).

Avec « ça » (« ça » étant mon vélo pliable) comme on me l'a déjà dit à plusieurs reprises. Et oui...

Alors voilà, j'en suis déjà à environ 1200 kilomètres parcourus au Chili et 500 parcourus en Argentine. J'aurais au moins fait ça si le froid Bolivien me coupe la route comme on me l'annonce.

Et pour répondre à la question que tout le monde se pose ; non, mes molets n'enflent pas, et d'ailleurs mes chevilles non plus, alors dédicace à mes danseuses...







Les hauts plateaux andins



Ca monte, ça monte et passé le village (fantôme) de Tres Cruces, à 27 kilomètres de Abra Pampa, on arrive au panneau indiquant « 3780 mètres au dessus de la mer ».

La suite ? C'est le début de l'Altiplano, à plus de 3000 mètres d'altitude et avec ça le début des lignes droites longues, longues, longues de faux plats montants ou descendants jusqu'à la frontière argento-bolivienne 100 kilomètres plus haut.

C'est évident, c'est assez monotone, on a quitté les forêts de cactus et la végétation encore plus variée encore plus bas mais en fait, l'Altiplano, j'aime beaucoup. La route est au milieu, à égales distances sur les cotés, on retrouve les montagnes andines qui ne parraissent plus si grande maintenant qu'on y est pas loin des sommets (du moins, de cette partie parcequ'on est pas à 6000 mètres là).

En fait, en quittant la région très touristique d'Humaouaca, j'avais envie de retrouver une région plus désertique, à la fois au niveau humain et paysager.
Humain d'abord car dans les villages de Purmamarca, Tilcara et Humauaca qui sont à visiter, l'accueil est moins chaleureux. Passé ce dernier village, les « Bonjour » sont beaucoup plus monnaie-courante et les gens te prennent plus pour un voyageur qu'un touriste.
Paysager ensuite car je me suis habitué à la rareté que j'ai découvert il y a peu.

Ce qu'on y trouve, sur ses plateaux andins, ce sont des champs naturels à perte de vue sur lesquels paisent vaches, ânes, lamas, vigognes. Les couleurs d'herbes hautes jaunies y sont belles devant celles foncées des montagnes lointaines.
La route est rythmée par les fermes entre deux villages dont les croix des églises dépassent des maisons toutes en terre et sans fenêtres mais aux portes en bois peintes. Les rues y paraissent désertiques, sans vie et pourtant, il y a toujours quelqu'un qui sort d'une entrée pour aller on ne sait trop où.
Et dans la même logique, sur les lignes droites de vingtaines de kilomètres séparant les villages, on croise à chaque fois 4 ou 5 bergers, leurs chien et troupeaux surgissant de nulle part, quand il ne s'agit pas d'un andin se faisant déposer au milieu de nada chargé comme un mullet pour retourner chez lui, dans une maison qu'on devine là-bas à plusieurs kilomètres de marche.

En bon urbain, je me sens loin de ce mode de vie mais je l'admire. Je ne sais pas exactement de quoi vivent ces villages. Sûrement de l'élevage et l'agriculture, mais en tous cas, dans chacun d'eux, je suis toujours surpris de voir le nombre d'enfants sortir des écoles. Mais bon, c'est peut-être justement, parcequ'il n'y a pas grand chose à faire autour qu'il y a beaucoup d'enfants, et tous ne doivent pas s'exiler dans les villes plus grandes.
















La Quebrada d'Humahuaca



A partir de San Salvador de Jujuy, on entre dans la vallée de Humaouaca. Une vallée constituée du Rio Grande, une rivière qui fait tout au plus quelques mètres de large et qui se perd dans son lit faisant plusieurs dizaines de mètres d'une rive à l'autre. Le Rio, c'est ce que la Ruta 9 longe pendant plusieurs centaines de kilomètres avec sur la gauche et sur la droite, les reliefs des Andes.

Il s'y trouve notamment la vallée des peintres, appelée ainsi car les montagnes bordant le Rio sont multicolores. Et les différences de teintes ne s'apprécient pas de paroi en paroi mais bien sur un même flanc rocheux. On y voit bien les formations liés à l'érosion récente et aux courants marins d'il y a quelques miliers d'années. Ca tranche avec le gris ciment du lit du rio, car on est sur du gris anthracite mais surtout, sur du jaune, du rouge, du violet, du bleu-vert. Certaines parties sont déchirées, d'autres font le dos rond.

Et au milieu de ce décor de poudres colorées qu'on aurait minutieusement déposé dans un tube à essai en différentes couches, apparaissent des villages sans asphalte, dont la température rythme la vie et les visages noircis des locaux.

Tu m'étonnes que c'est classé au patrimoine mondial de l'humanité...